12/16/2011

Des mots qui font écho - Agri-Culture




Un petit zest d’étymologie sur trois mots nous invite à un drôle de cheminement :
-          « culture », vient du vieux français « colture » terre cultivée, qui est issu du latin « cultor » le laboureur, l’agriculteur 
-           « sauvage », vient du latin silva, la forêt,
-          et « forêt » vient de foris, en dehors de, extérieur (à la civilisation).
Aujourd’hui, la culture, c’est ce qui est propre à l’homme, par opposition à la nature. La nature est sauvage, elle obéit à ses propres lois, qui ne sont pas celles des hommes. Et l’emblème de cette nature, c’est la forêt. La forêt sauvage !
Alors, on peut croire que la séparation de l’homme avec la nature prend racine dans l’agriculture, la culture de la terre. L’étude de nos ancêtres nous apprend que l’invention de l’agriculture correspond à une révolution des symboles : l’homme prend ses distances avec le reste de la nature. C’est un trait que n’ont pas les sociétés encore traditionnelles qu’on qualifie bizarrement de « sauvages ». Pour les Shuars d’Amazonie, par exemple, la nature n’existe pas. Car il n’y a pas de frontière entre eux et la nature : ils ne s’en distinguent pas. Les plantes, les animaux sont le reflet d’esprits, tout comme les humains. Dans cette relation, l’homme n’est pas « hors » de la nature, mais en fait partie.
“We are the land and the land is us.
We are the water and the water is us”.
Dissent d’autres “indiens”, en Amérique du Nord[1].

Le rapport à la production et aux besoins matériels procède d’une conception du monde différente dans chaque société. L’ère commerciale actuelle favorise une homogénéisation croissante, la rentabilité étant construite sur le mode de la réduction des coûts à grande échelle. L’agriculture nous a-t-elle fait oublier que l’homme fait partie du cycle du vivant et que ce cycle repose sur une complémentarité entre les espèces ? Complémentarité que nous appelons parfois « biodiversité ».

La culture de la terre ne saurait avec intérêt rentrer dans une cadre d’homogénéisation, car elle s’appuie justement avec le vivant. Si l’on ne peut définir précisément ce qu’est le vivant, on sait qu’il est fait d’interaction et d’échange (d’énergie, de matière, de chaleur, d’information,…). Plus son organisation est complexe et diversifiée, plus il est viable.

L’agroforesterie des régions tropicales est un système qui favorise la biodiversité et réciproquement. La polyculture favorise une microflore et une microfaune indispensables aux processus de décomposition, et donc à la fertilité du sol, souvent amoindrie par les pratiques exclusives et intensives. Elle permet ainsi souvent d’éviter le recours aux apports artificiels (engrais, pesticides,…). Cultivées ensembles, ces plantes s’entraident. Sur les parcelles cultivées d’Amazonie, les plantations en polyculture où sont mélangées les plantes de hauteur différentes protègent le sol des effets destructeurs du climat, imitant les différentes strates arborescentes de la forêt. La complémentarité des espèces fait écho à la vision globale de l’écosystème comme un ensemble complémentaire, dont l’homme n’est pas exclu.

Alors, « agriculture » et « biodiversité » peuvent-elles vraiment être dissociées ?



[1] « Nous sommes la terre et la terre est nous, nous sommes l’eau et l’eau est nous ». Phrase extraite d’un documentaire que je vous invite à visionner « Peuples indigènes, humanités et environnement durables », de Pierre Beaudouin.

Soja : de l’Amazonie à l’entrecôte.



Itinéraire d’un tendre légumineux devenu la cause de destruction de forêts remarquables.

Le soja est une plante d'origine asiatique où il occupe une place convoitée dans l’alimentation.
Grâce à ses diverses qualités, depuis quelques années, cette plante a envahi l’industrie agroalimentaire mondiale où elle donne par exemple de la cohésion à la plupart des mixtures alimentaires industrielles : la fameuse « lécithine de soja ». Et surtout, elle nourrit à satiété les volailles, les bovins et les porcins du monde, en particulier ceux d’Europe, les plus gourmands dans ce domaine car ils n’ont plus grand-chose d’autre à manger !
La course a donc été lancée entre les pays producteurs pour envahir l’immense marché que représente cette manne de bétail à nourrir.
Mais qui dit production de soja dit terres cultivées. Et dans les proportions dont il est question, il ne s’agit pas de quelques centaines d’hectares mais de millions d’hectares qu’il faut trouver. Seuls les grands pays emplis de terres non urbanisées peuvent répondre à une telle demande. Le choix n’est pas grand : Chine, Etats-Unis, Brésil,…
Les deux premiers sont déjà surexploités. Reste le Brésil, encore pourvu de grandes zones non cultivées, non habitées…Ou si peu. Mais oui ! Ces immenses terres recouvertes de forêts primaires, il suffit de les déboiser !
Le Brésil connaît bien son affaire. L’Etat du Mato Grosso plus particulièrement, qui la pratique déjà depuis quelques années. Au cours des 60 dernières années, la culture du soja est passée au Brésil de zéro à plus de 60 millions d’hectares. Et l’accélération est fulgurante, la surface consacrée à cette production a augmenté d’environ 50 % dans les quatre dernières années. Pas étonnant qu’elle déborde à présent sur la forêt.
Les multinationales de l’agroalimentaire et les gros propriétaires terriens ne lésinent pas sur les moyens (qui ne sont pas que financiers) pour acheter des millions d’hectares (pour d’ailleurs une bouchée de pain) en forêt amazonienne. Mais à qui appartenaient ces terres ? Et les a-t-on acheté en bon droit ?
Ce n’est pas le gouvernement Brésilien qui en douterait, lui qui est prêt à fournir toutes les infrastructures nécessaires pour développer la culture du soja à gigantesque échelle...

Les plus beaux textes de loi sensés protéger la forêt Amazonienne font pale figure à côté de l’appât du « grain » de soja.  
Désormais à côté du bois tropical d’exportation et de l’expansion de l’élevage, au sein de la lutte des écologistes et des défenseurs des peuples indigènes, la culture intensive de soja devient l’ennemi n°1 de la forêt amazonienne, cet ultime refuge de l’équilibre terrestre et humain. A ce jour plus de 80 millions d’hectares de terres au Brésil ont été défrichés pour ces raisons, soit environ un dixième de la superficie du pays.
Non contente d’en rester là, la culture du soja favorise la construction d’autoroutes et autres infrastructures dévoreuses de respect. Pour faire de la place, sous la menace, les peuples autochtones quittent leurs terres ancestrales, et les paysans sans terre se concentrent sur des espaces plus étroits encore, s’appauvrissant davantage.
Que dire enfin de la forêt ? Faut-il faire remarquer en plus que la culture du soja perturbe les systèmes hydrologique et climatique… ?
Pour conclure, n’oublions pas que ce n’est pas le soja qui est en cause, mais notre consommation démesurée de viande.
Si nous mangions moins de viande, nos élevages européens pourraient redevenir extensifs et le bétail pourrait se délecter d’herbes de pâturage de nos prairies au lieu d’un soja cultivé sur un sol malmené, à l’autre bout de la planète. Baissons la tête, car attention au retour de boomerang.




Biblio
- Du côté de la planète - Amazonie: une menace nommée soja, documentaire (15:27 min.), 2005
http://www.tsr.ch
- Les voies de la déforestation au Brésil : avec l’aide de la SFI, le soja et le bétail détruisent l’Amazonie. Emily Caruso, Forest Peolpes Programme, Emily@forestpeoples.org , http://www.forestpeoples.org
Source : BULLETIN 93 du WORLD RAINFOREST MOVEMENT - Avril 2004
- Le soja en Amérique du Sud ou le cauchemar de Humboldt, La Revue Durable. No. 20. Avril-Mai 2006: 46-47.




La société face au risque climatique : une indifférence durable ?

Sabine Rabourdin. Mémoire réalisé dans le cadre du DEA Environnement : Milieux, Techniques, Sociétés Option "Systèmes naturels et systèmes sociaux : développement durable et gestion conservatoire "
Année universitaire 2001 - 2002
La socété face aux changements climatiques : une indifférence durable ?
Ce mémoire a pour objectif d’analyser la quasi-absence de prise en compte du changement climatique au sein de la société française. Initialement basée sur une analyse individuelle (approche anthropologique), cette recherche tente cependant d’intégrer d’autres aspects essentiels à la compréhension globale des enjeux du phénomène climatique (raisonnements sociologique, économique, écologique, ...). La méthode utilisée pour atteindre l’objectif initial repose sur des analyses d’entretiens semi-directifs, sur une riche expérience issue d’une observation participative conséquente et sur quelques données statistiques remarquables. L’analyse des résultats se porte préférentiellement sur les contradictions dans les comportements d’acteurs et les choix individuels, contradictions qui permettent d’éclairer l’inaction de la société face au changement climatique.
Téléchargez le ici http://www.rac-f.org/DocuFixes/La%20societe%20face%20aux%20CC.pdf

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