L’après développement version indigène
Par Sabine Rabourdin,
auteur de Les sociétés traditionnelles au secours des sociétés modernes,
Delachaux et Niestlé, 2005.
Près de 6000 cultures non occidentales existent encore en ce
début de millénaire, représentées parfois par quelques individus et parfois par
plusieurs centaines de milliers. L’indigénisme
est à la mode. De la Bolivie
au Chiapas, en passant par le cinéma, ils sont de plus en plus nombreux, à
faire entendre leur voix.
Ce n’est pas
qu’un effet de mode. C’est un effet d’enjeux. Les enjeux de l’accroissement des
inégalités, ceux du dérèglement climatique et des tensions sur les ressources
ou l’espace agricole et viable. Tous ces enjeux appellent des solutions, et
certaines d’entre elles semblent se trouver à la source. A la source de ce qui
lie l’Homme à la Terre.
Dans la quête d’un après-développement, il semblerait donc
que les peuples indigènes aient quelque chose à nous proposer. Le développement
a été une quête de sociétés modernes, qui a orbité autour de quelques valeurs
phares : le cartésianisme, la croissance, l’économie de marché, la
technologie à échelle industrielle. L'après développement se pose donc en
rupture ou, du moins, en dépassement de ces valeurs. Dans ce cas, n’est-il pas évident
que les peuples traditionnels offrent en effet, quelque intéressante option ?
Il ne s’agit pourtant de dire que ces peuples présentent un
idéal à tous les niveaux. Il s’agit ici, mais c’est déjà beaucoup, de
s’inspirer de la manière dont l’homme s’intègre dans l’écosystème Terre.
1.
La société en lien direct avec son écosystème
Au fil de l’histoire
des civilisations, les ressources ont fait l’objet de toutes les attentions. Là
où elles étaient facilement accessibles, s’installaient des populations qui
devaient se battre pour garder leur place. Dans cette lutte pour la ressource,
certaines sociétés ont été absorbées dans les sociétés colonisatrices et
d’autres se sont retranchées en des lieux moins convoités, où les ressources étaient
moins abondantes. Les sociétés traditionnelles vivent aujourd’hui dans ces
lieux hostiles ou, du moins, en des lieux où les ressources ne sont pas aussi
facilement accessibles qu’ailleurs.
Citons des
exemples : le Ladakh, région septentrionale de l’Inde Himalayenne, semble inhabitable :
l’aridité côtoie l’altitude, et les rares villages qui y ont pourtant élu domicile
apparaissent comme une gageure. Ailleurs, les bushmen du désert du Kalahari, ou
encore les Inuits de l’Arctique nous font l’effet de miraculés. Et pourtant, ils
vivent bien en ces lieux.
Ce qui est
troublant et à la fois admirable, dans ces peuples de l’extrême, c’est que
leurs erreurs de comportements envers la nature sont directement sanctionnées
par l’hostilité du milieu et la rareté des ressources. Ces sociétés se donc sont
organisées (règles, régulations) en relation avec leur milieu et en fonction de
la ressource. Elles ont ainsi pu préservé un équilibre dans lequel elles se
sont insérées et qui leur a permis de perdurer. Les hommes et les femmes qui
vivent au Ladakh ont ainsi posé des contraintes sociales à leur développement
ce qui permet de préserver la fertilité des terres. Au moindre écart, c’est le
village entier qui se trouve menacé.
Ceux qui vivent
dans des sociétés de consommation, c'est-à-dire des sociétés où l’excès de
consommation n’est pas sanctionné mais au contraire valorisé, l’équilibre avec
l’écosystème est disloqué. Dans ces sociétés, le retour de bâton n’est pas
direct quand elles épuisent l’écosystème. Car, ce qui les caractérise est l’absence
de lien direct avec l’écosystème. Elles se nourrissent et recrachent dans la
marmite du voisin (typiquement, les pays du Sud), et c’est celui-ci qui se
récupère le coup de bâton quand les ressources locales arrivent à épuisement ou
que la terre (la marmite) est polluée. Les sociétés de consommation changent
alors simplement de marmite.
Le dérèglement
climatique est une aberration exacerbée du système des sociétés modernes, dont
les conséquences de comportement inadapté se ressentent en décalé. Car, à quoi
est dû ce dérèglement ? Sinon à la production en excès de gaz à effet de
serre par rapport à ce que la
Terre peut recycler ?
La Terre nous offre une marge de manœuvre dans
la recherche de l’équilibre, un équilibre dynamique. Elle absorbe nos dépassements
et compense nos manquements, dans une certaine mesure. A nous d’évaluer cette
mesure et la manière dont nous pouvons y épanouir notre liberté. Est-ce en
employant des ingénieurs en déchets et dépollution ? Est-ce en envoyant
nos gaz à effet de serre dans les profondeurs des océans sans garantie qu’ils y
restent ? Est-ce en puisant aveuglement dans les ressources jusqu’à ce que
la marmite soit vide ?
Il faudrait se
baser sur la même relation que celle qui anime les peuples traditionnels :
pour évaluer nos ressources disponibles et notre impact polluant, il nous faut
faire comme si l’on ne pouvait se nourrir que de notre territoire. Il faut
établir une relation directe entre la société et son écosystème, c'est-à-dire
le territoire sur lequel elle vit mais aussi la biosphère dans son entier. Et
limiter notre pollution à ce que la nature peut absorber, et nos consommations
à ce qu’elle peut renouveler. La décroissance aspire à cela, les peuples
indigènes le vivent. En ceci ils ont beaucoup à échanger dans une
« nouvelle vision du développement » ou du « développement
durable ».
Et à ce titre, « développement »
est un mot à éradiquer. Des peuples indigènes proposent [1]
« environnement et humanités durables », car ce n’est pas le
développement qui doit être durable, mais l’humanité et l’environnement.
2.
L’homme, élément
d’équilibre
Les sociétés
qui ont entretenu un lien privilégié avec un territoire, qu’on nomme indigènes
ou traditionnelles, ont certainement, plus que d’autres (collectivement
parlant) compris le lien d’interdépendance qui les unit à la Terre.
Avant de penser
une nouvelle forme de développement auprès des pays du Sud, il est essentiel de
revenir à la compréhension de ces racines.
Si les peuples
traditionnels ont essayé de modérer leur empreinte sur la Terre, ils ont aussi tenté
de s’unir à elle, dans une relation où l’homme n’est plus « hors » de
la nature, mais en fait partie.
Faire
partie ? Qu’est-ce que cela peut signifier ? Prenons l’exemple des Achuar, des chasseurs-cueilleurs
d’Amazonie[2],
qui ne font pas de distinction antinomique entre deux mondes opposés : le
monde culturel de la société humaine et le monde naturel de la société animale,
végétale et minérale. Pour eux, l’homme a un droit de vie au même titre
que n’importe quel autre entité dans l’univers. De ce droit découle un devoir,
un devoir d’intégration.
Difficile de
décrire à un occidental ce que « en faire partie », « intégration »
ou même « entrer en relation avec la nature » peut signifier, car
l’occidental est élevé dans la tradition cartésienne et rationnelle qui
catégorise au maximum et qui, par ce biais, crée des frontières dans les
concepts autant que dans les sentiments. Et qui a tendance à oublier qu’une
molécule qui pénètre une cellule, c’est un échange d’informations. L’interdépendance
est omniprésente sur Terre. Et l’échange permanent.
Dans la
relation avec les peuples traditionnels, on ne peut d’ailleurs pas s’extraire
de concepts spirituels, car ceux-ci sont fondateurs. Par exemple, écoutons ce
décret, précurseur en la matière, proposé par le cinquième Dalaï-lama,
réglementant la protection de l’environnement dès 1642 :
« L’environnement
intérieur est la symbiose entre les esprits, la vie des hommes, et la nature
qui les entoure. »
Dans
la mythologie Touareg l’homme noue un pacte sacré qui le lie à la terre par une
promesse de sauvegarde réciproque en cas de non respect de cet équilibre
protecteur, la sauvegarde est remplacée par la menace.
La recherche
d’harmonie avec la nature n’est pas le simple désir de durer, cela va au-delà,
car ce qui est en jeu n’est pas seulement l’existence individuelle sur Terre
mais l’existence de leur société, de l’humanité, de la Vie et de l’Etre.
Là
se trouve peut-être l’essentiel : rechercher l’équilibre et l’entretenir.
Ainsi,
tel un boomerang, la nature est perçue par les Aborigènes d’Australie comme une
entité à rétroaction, toute blessure que vous lui infligez vous revient dessus
tôt ou tard :
«
Quand vous détruisez un site, vous créez une ride qui va tout sillonner dans le
cosmos comme la jarre de billes. Cela détruit l’équilibre et ce déséquilibre
entraîne le chaos, la maladie et les mort des gens et de la nature » [3]
Le
Rêve des Aborigènes australiens,
c’est ce qui relie toute chose, homme, animal, plante ou matière, au Bugarrigarra où il est né, où il
retourne quand son corps s’éteint.
Quand
une compagnie étrangère veut creuser une colline pour y chercher des diamants,
les Aborigènes d’Australie ne s’y opposent pas en disant qu’il y a un risque
d’érosion mais parce que cela va « briser la chaîne du rêve ».
Cet
équilibre écologique traverse tous les plans de la pensée indigène. Il ne doit
pas être perçu comme statique, c’est un état dynamique fait d’échanges
continuels au niveau de tous les éléments naturels.
« Vous
ne pouvez aimer le gibier et détester les prédateurs ; vous ne pouvez protéger
les eaux et détruire les montagnes ; vous ne pouvez entretenir la forêt et
saboter la ferme. »[4]
L’homme,
fondamentalement, participe de cet équilibre. C’est sans doute le plus grand oubli
de l’occident. Et tant que cet oubli ne sera pas retrouvé, l’échange Nord/Sud
restera stérile et le développement ne pourra jamais se métamorphoser en
« environnement et humanités durables ».
3.
Diversifier au lieu d’uniformiser
Diversifier la production mais éviter la surproduction
L’ère commerciale actuelle exploite sans merci
les quelques produits qui, pour le moment, procurent un avantage financier.
Elle dédaigne et détruit souvent tout le reste. Cette attitude conduit à une
homogénéisation croissante, la rentabilité étant construite sur le mode de la
réduction des coûts à grande échelle. D’où les chaînes de production
industrielles, d’où la production agricole monospécifique intensive.
Le
rapport à la production et aux besoins matériels procède d’une conception du
monde différente chez les sociétés.
Le
mode d’échange traditionnel, intrinsèquement adapté aux besoins et hostile au
surplus, est une des clés de l’équilibre entre l’homme et la nature. Parce que ces peuples sont en premier lieu orientés vers
l’autosuffisance et seulement en second lieu vers la production d’un surplus
pour le commerce, leurs économies et leurs techniques traditionnelles sont
appropriées à la préservation des ressources.
On a remarqué que la rareté de
certaines ressources concentrées (et donc défendables) favorise l'émergence de
compétition agressive entre les individus d'une société. De même que
l’abondance de ressource limite les tensions, mais ne les empêche pas.Seule la rareté de l’ensemble des ressources (ou la vision d’une rareté ou du caractère limité et précieux de la ressource) crée l’entraide.
C’est
peut être ce qui explique l’entraide si spectaculaire des peuples indigènes. Chez
les Yanomamis d’Amazonie, comme dans de nombreuses autres sociétés
traditionnelles, offrir est une vertu, posséder n’est pas une richesse. La
manière de se répartir le butin exprime la solidarité qui lie les Indiens entre
eux. Car le milieu de la forêt tropicale n’est pas si prodigue qu’il y parait.
Chez les Bochimans,
« Chacun prend où il le trouve ce dont il a besoin, mais ne
prend rien de plus. C'est à cette condition que la nature reconstitue le
fond commun. » [5]
Ce qui sera sûrement difficile à apprécier par un
homme moderne, c’est le revers de cette entraide, c'est-à-dire l’absence de
valorisation de l’individu et sa soumission au bien-être de la communauté dans
son ensemble. L’individu n’est rien, la communauté est tout. C’est peut-être ce
qui explique l’absence de recherche de profit et l’incompatibilité majeure
entre notre désir de croissance économique et leur absence de surproduction. Marshall
Sahlins a montré que si ces sociétés ne rentabilisent pas leur économie,
c’est parce que le profit ne les
intéresse pas :
« [Les
indigènes de ces sociétés] s’enorgueillissent
de leur aptitude à évaluer leurs besoins et à produire juste assez de taro pour
les satisfaire. »[6]
Les systèmes d’organisation de l’espace et de
la production sont souvent fondés sur des échanges complexes entre communautés
qui permettent d’optimiser la satisfaction des besoins. Ils
sont ainsi faits qu’ils permettent d’éviter la production de surplus et le
gaspillage (entraide-sociale, multiplicité des ressources).
Reichel Dolmatoff explique ainsi
que les indiens Tukanos de Colombie ne se soucient guère de maximiser les
gains à court terme ni de se procurer plus de nourritures ou de matières
premières qu’il n’est nécessaire. « En revanche, ils s’emploient
continuellement à mieux connaître ce que le monde physique requiert de l’homme.
Ce savoir, estiment-ils, est essentiel à la survie car l’homme doit se mettre
en adéquation avec la nature pour participer à son tour et ajuster ses besoins
à ce qu’elle lui offre. »[7]
Les
sociétés traditionnelles, dans leur production de biens, ont des priorités
autrement différentes que la simple rentabilité immédiate, et notamment la
recherche d’une plus grande durabilité. L’exploitation intensive des sols est
peut être rentable à court terme mais elle épuise vite les sols et les rend
dépendants d’un apport artificiel d’intrants.
Epanouir les potentialités des territoires
Une
multiple utilisation d’une même terre peut aider à minimiser la ponction sur le
milieu. C’est une attitude que l’on retrouve chez beaucoup de peuples
indigènes, qui généralement combinent multi-usages et multi-acteurs sur un même
lieu. En Extrême Orient, des systèmes
de production associant l’agriculture et l’aquaculture obtiennent des rendements parfois
remarquables. Ceci limite le besoin de surface agricole : de telles
productions, comme les mares d’argile des paysans Tonkinois, se font souvent
sur des surfaces qu’on qualifierait de nos jours, vu l’aspect de nos
exploitations, de lilliputiennes. L’intelligence de ce mode de production est
d’intégrer plusieurs systèmes les uns aux autres : les excréments des lapins
tombent dans une mare à poissons et à canards et la fertilisent ; celle-ci
s’écoule dans des rizières et des potagers, dont les déchets agricoles
nourrissent en retour les lapins, qui nourrissent les hommes (et les déchets
des hommes retournent à la terre) ! Dans d’autres cas, deux rizières,
tantôt remplies, tantôt vidées, font
alterner riz et poisson, canard et fruits de mer, etc.
Les
sociétés traditionnelles misent sur la diversité et le multi-usage. Les paysans
andins cultivent une partie de leurs terres en haute altitude, là où pourtant
les rendements sont médiocres, ceci afin d’améliorer leur sécurité : en
cas d’attaque parasitaire sur leurs champs de basse altitude, ils disposeront
en effet toujours d’anciennes semences.
La
polyculture favorise une microflore et une microfaune indispensables aux
processus de décomposition, et donc à la fertilité du sol, souvent amoindrie
par les pratiques exclusives et intensives. Elle permet ainsi souvent d’éviter
le recours aux apports artificiels (engrais, pesticides,…). Cultivées
ensembles, ces plantes s’entraident : l’une fixant l’azote, une autre
aérant le sol avec ses racines, une autre procurant une protection parasitaire
et permettent de mieux lutter contre la contamination des maladies. Sur les
parcelles cultivées d’Amazonie, les plantations en polyculture où sont
mélangées les plantes de hauteur différentes protègent le sol des effets
destructeurs du climat, imitant les différentes strates arborescentes de la
forêt. La complémentarité des espèces fait écho à la vision globale de
l’écosystème comme un ensemble complémentaire, dont l’homme n’est pas exclu.
L’agroforesterie pratiquée en Asie du sud
représente l’une des pratiques les plus évidentes de gestion durable des
forêts. Le paysan tropical n’a jamais de
lui-même, profondément séparé l’agriculture de la forêt, ni la forêt de
l’élevage. La grande diversité de ces systèmes réduit les risques de mauvaises
récoltes. La stratégie consiste à planter dans les champs des espèces utiles
(médecines, nourriture…) qui pousseront dans la forêt lors de la mise en
jachère des terres. Le champ devient la forêt…la forêt le champ… L’homme modifie la forêt à son usage, tout
en augmentant la biodiversité présente. Un système d’agriculture
itinérante sur brûlis à Bornéo par exemple, favorise la régénération forestière
tant que les temps de mise en jachère sont suffisants. Mais s’il y a réduction
des terres par des pressions extérieures (exploitants forestiers par exemple),
le système peut devenir destructeur. On revient à cette notion indispensable
d’équilibre dynamique.
Les
sociétés traditionnelles font donc preuve de beaucoup d’art et de maîtrise dans
la gestion des terres, et si cette façon de voir l’enchaînement de la matière
et de l’organiser s’enrichissait des nouvelles connaissances de l’Occident, il
y a de fortes raisons de croire qu’on assisterait à un réel progrès…
Penser local, penser dans la continuité
Ce
qui différencie la société traditionnelle du monde moderne, c’est surtout le
soucis de transmission des savoirs, de génération en génération, le lien de
continuité et le culte des ancêtres. Ce qui n’empêche pas l’innovation mais au
contraire la favorise. Riches de l’expérience du passé, et forts de la capacité
d’adaptation aux variations et aux contraintes du milieu naturel, il se crée une grande flexibilité.
L’habitude traditionnelle de recourir
essentiellement aux ressources locales (40km est une bonne distance) est
peut-être né d’une contrainte. Mais elle peut renaître d’un choix pensé, comme le
concept moderne de « biorégionalisme » le suggère. En pensant local,
on réduit les « délocalisations » et les pollutions liées au
transport.
De
même, une société durable nécessiterait des technologies appropriées. D'après l’Appropriate Technology Sourcebook[8] ,
les technologies appropriées sont des technologies qui requièrent peu de
capital, utilisent les matériaux disponibles localement, demandent peu de main
d'oeuvre, sont accessibles aux groupes familiaux ou communautaires, peuvent
être comprises, contrôlées et entretenues par des personnes locales sans haute
formation spécifique, peuvent être réalisées dans des villages ou petits
ateliers, peuvent être adaptées à différents lieux en différentes circonstances
et sont utilisées sans dommage pour l'environnement.
Le
respect de l’environnement est donc un critère d’une technique appropriée. Pour
certains Indiens d’Amazonie, nous explique Jean-Patrick Costa,
« la recherche d’équilibre explique
pourquoi la tradition indienne est incapable de concevoir un développement
technique qui se ferait au détriment du milieu naturel, ou même une action
individuelle excluant la prise en compte d’éventuelles conséquences sur
l’environnement. »[9]
La
recherche d’équilibre avec le milieu, que l’on retrouve dans les sociétés
indiennes mais aussi dans beaucoup de sociétés traditionnelles va ainsi jusqu’à
orienter nettement leurs choix technologiques.
Quelque
en soit la réponse, il ne s’agit pas de dire qu’il faut remplacer les
techniques modernes par des techniques traditionnelles, mais qu’il faut
s’inspirer de cette attitude qui consiste à placer l’équilibre avec le milieu
comme critère de choix pour le développement (si tant est qu’il soit voulu).
L'impossibilité et les limites philosophiques d'une
hypothétique solution technique trouvent peut-être une issue dans l'intérêt à
porter aux pratiques soucieuse du local des peuples traditionnels.
4.
De nouvelles valeurs
Si le
colonialisme puis le libéralisme ont été vecteurs de l’utopie de la croissance,
qu’est-ce qui sera vecteur de ce que certains appellent la décroissance ou
simplicité volontaire, réclamée par les actuels enjeux planétaires ?
Les nouvelles
valeurs doivent sûrement tourner autour des notions d’équilibre, de diversité
et de complémentarité, dans la prise de conscience que nous dépendons de ce qui
nous entoure tout comme nous sommes en constant échange avec cet environnement,
humain ou non humain.
Le vecteur ne
doit plus seulement se décliner du Nord vers le Sud sur la question de
l’après-développement, mais du Sud vers le Nord également. C’est alors supposer
que nous soyons aptes à écouter ce qui vient de là et à échanger. C’est
supposer que notre système de pensée et de valeurs puissent évoluer.
C’est aussi
supposer que nous soyons ouverts à ces nouvelles valeurs : « équilibre »
contre « croissance », « diversité » contre
« uniformité » de la mondialisation.
[1] « Peuples Indigènes : Humanité et environnement
durables » : un film sur Identité, Spiritualité, Culture et Droits des Peuples Autochtones,
face au Développement Durable.
Un film documentaire de 45’, témoignage des
propositions des Peuples Indigènes au Sommet
Mondial du Développement
Durable - Johannesbourg- 2002
[2]Philippe Descola, La nature domestique. Symbolisme et praxis
dans l’écologie des Achuar, Paris, Maison des sciences de l’homme, 1986.
[3] Wayne Barker, Termites
blancs et fourmis vertes, Ethnies, 1999, vol 13 n°24-25, pp 195-211
[4] Centre-Nord de la
Californie : Le peuple Wintu
[5] Extrait de NAMIBIA,
Africa's Harsh Paradise, par A. Bannister et P. Johnson, interprété de
l'anglais par Bob Dangerfield
[6]
Marshall Sahlins, Age de pierre, Age
d’abondance, 1976, resp p 51 et p 111.
[7] Gerardo Reichel-Dolmatoff, The
Kogi Indians and the environment Impending disaster, The Ecologist, vol 13,
n°1, janvier-février 1983.
[8] Ken Darrow and Mike Saxenian, Appropriate Technology Sourcebook, Village Earth
The Consortium for Sustainable Village-Based Development.
The Consortium for Sustainable Village-Based Development.
[9] Jean-Patrick Costa,
L’homme-Nature, La pensée
écologique, Paris, 2000, p 24.
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